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The Villa Bunau-Varilla

or Manor Haute-Roche, a legend site

La Villa Bunau-Varilla reste toujours distante et mystérieuse...
La Villa Bunau-Varilla reste toujours distante et mystérieuse...

 

Text only in French at the moment 

 

Elle domine le village du Pont. Elle est étrange. Elle intrigue. On l’appelle de plusieurs noms : villa Bunau-Varilla, Manoir Haute-Roche, villa le Matin ou encore Villa de la Montagne, terme donné par l’architecte local Campiotti.

 

Une construction qui va nécessiter l'aménagement d'une route privée et une quantité impressionnante de matériaux divers
Une construction qui va nécessiter l'aménagement d'une route privée et une quantité impressionnante de matériaux divers

 

La famille Bunau-Varilla vint en vacances au Grand Hôtel du Lac de Joux au mois de janvier 1911. On la retrouve encore en août de la même année. Il est ainsi probable que le coin ait plu à ces Parisiens et que c’est à ce moment là que le chef de famille prit la décision de se construire une villa au Pont.

 

Les démarches furent menées tambour battant avec l’administration du village du Pont ainsi qu’avec la commune de l’Abbaye. La villa fut construite de 1912 à 1914. Pendant les travaux, la famille Bunau- Varilla prit pension au Grand Hôtel du Lac de Joux. Il en fut de même pour l’architecte principal Hennebique. La bâtisse fut construite selon le système de ce dernier, entrepreneur-constructeur installé à Paris, c’est-à-dire qu’on y assemble poutres, poteaux et planchers armés de fers ronds, maintenus en place par des étriers.

 

En 1922 la villa fut décorée de fresques diverses, allégories moyenâgeuses ou champêtres, du peintre Henri Deluermoz (1876-1943), d’origine française, connaissance probable du propriétaire1. Ces fresques sont d’une belle exécution. Elles ont cependant souffert du long abandon de la villa et de l’humidité régnante.

 

Les grandes heures de la chevalerie offertes à la Villa de la Montagne par Henri Deluermoz, peintre français
Les grandes heures de la chevalerie offertes à la Villa de la Montagne par Henri Deluermoz, peintre français

 

La personnalité du constructeur de la villa, Maurice Bunau-Varilla mérite que l’on s’y attarde. Celui-ci, né en 1856, décéda le 1er août 1944. Homme d’affaires et patron de presse, il  créa avec son frère Philippe une société chargée de relancer la construction du canal de Panama. Il investit ensuite dans le quotidien français  Le Matin dont il devint un actionnaire majoritaire. Il entra au conseil d’administration de ce journal le 28 décembre 1899, puis en devint le président le 23 décembre 1901.

 

Le dessin raffiné de l'architecte Campiotti du Sentier
Le dessin raffiné de l'architecte Campiotti du Sentier

La villa Bunau-Varilla sert de toile de fonds aux jeux des enfants du Pont
La villa Bunau-Varilla sert de toile de fonds aux jeux des enfants du Pont

Grâce à une stratégie qui s’appuyait sur la publicité, le tirage du Matin passa de 285 000 exemplaires en 1902 à 1 million en 1913. A la tête du journal, Bunau-Varilla soutint une ligne politique qui évolua en fonction de ses intérêts personnels. Radical et laïc, il s’orienta vers le nationalisme et l’anti-parlementarisme. Sa maquette mettait en valeur les titres accrocheurs et les articles agressifs. En 1917, le journal atteignit 1,6 million d’exemplaires. Bunau-Varilla s’opposa à Clémenceau et soutint les régimes totalitaires qui apparaissaient en Europe. Les ventes du journal Le Matin diminuèrent alors de manière spectaculaire. Entre 1918 et 1939, elles passèrent de plus d’un million à moins de 320’000 exemplaires, et cela sans que Bunau-Varilla ne change de ligne politique. Il attaquait le Front populaire et le gouvernement Daladier, approuvait les ligues d’extrême droite, notamment l’Italie fasciste, et témoignait progressivement de sa sympathie à l’égard d’Hitler.

Il a belle allure, le Manoir Haute-Roche sous la lumière déclinante d'une belle journée d'automne
Il a belle allure, le Manoir Haute-Roche sous la lumière déclinante d'une belle journée d'automne

Après la défaite de juin 1940, Bunau-Varilla soutint la politique de collaboration du régime de Vichy. Il mourut le 1er août 1944. Le Matin cessa de paraître le 17 août. Impliqué dans la politique éditoriale du journal, Guy Bunau-Varilla, fils et associé de Maurice Bunau-Varilla, fut condamné aux travaux forcés à perpétuité en janvier 1946. La maison échut pour une courte période à la République française qui ne sut trop que faire de ce vaste bâtiment. Il fut bientôt vendu à l’organisation des Auberges de famille qui s’en dessaisirent au profit de privés qui en gardent la possession aujourd’hui.

 

Maurice Bunau-Varilla fut donc une personnalité controversée. Au Pont, où sa ligne politique n’était connue que de manière générale, il entretenait des relations purement administratives avec le village. Il racheta la fameuse Lustrerie. Il travaillait avec l’entrepreneur Jacques Fantoli des Charbonnières pour l’entretien de son énorme bâtisse. Il n’offrit jamais de grandes amitiés à la population locale. On peut cependant penser qu’il contribua à financer le second bateau à vapeur en 1912, puisque celui-ci pris pour nom Le Matin, titre du journal de Bunau-Varilla.

 

Il eut été intéressant en son temps de recueillir les témoignages des habitants du Pont ayant eu affaire avec cette riche famille française. Roger Falquet, horloger, se souvenait des impressions mitigées que sa mère avait pu avoir pour ses membres alors qu’elle était lingère de la villa.

 

A la Vallée, on attribuait en coulisses à Bunau-Varilla d’étranges desseins. Comme celui d’avoir préparé la place dans cette imposante structure béton-métal, pour procéder en temps et lieu à l’installation de canons qui auraient été dirigés contre le fort des Rousses, en France  voisine. Claude Berney, écrivain local, a relaté cette légende dans un texte fameux : Les canons de Bunau-Varilla.

 

Le Manoir Haute-Roche, dans tous les cas, reste mystérieux et légendaire.

 

Maurice Bunau-Varilla, une personnalité controversée...
Maurice Bunau-Varilla, une personnalité controversée...